Si vous êtes ici, c’est que vous avez entendu parler de la méthode ABA, côtoyez vraisemblablement un enfant porteur d’autisme et peut-être que vous vous dites, après avoir lu des trucs à droite et à gauche :« POOOWWW, ça a l’air vachement compliqué ce truc là ! Y’a des termes techniques et tout mais concrètement, comment fait-on, sapristi ? Méthode ABA, etc. Je m’y perds dans tous ces acronymes. »
Aujourd’hui, je me lance un défi : Je vais parler technique et tenter de ne pas être trop long.
Ils sont embêtants tous ces professionnels avec leurs langages hermétiques, c’est vrai. Ce n’est pourtant pas compliqué, bon sang de bonsoir !
- L’acide acétylsalicylique ? Aspirine !
- Tomodensitométrie ? Scanner !
- Du display programmatique ? Bannière de pub sur le web !
- SWOT ? Etude de Marché !
- DPGF ? Devis détaillé !
- On va jouer en 0-5-5 ? Tous à l’attaque !
- Anisocaryose ? Ah… T’as pensé à faire ton testament ?
Bref, chacun son jargon !
Dans l’AutismLand, plusieurs méthodes existent avec leurs acronymes respectifs (TEACH, PECS, SACCADE, etc.) et parmi elles, il y a la méthode ABA.
ABA BA BA !!! BARBARA ANN !!!
ABA ? Kézako ? Applied Behavior Analysis, ou Analyse Appliquée du Comportement.
Ah bah on est bien avancés avec ça, doudou dis donc.
Je vais donc m’adonner à un petit exercice de vulgarisation. J’oublierai forcément plein de trucs et un professionnel s’étranglera probablement en lisant mes futures inepties.
Chacun son job ! Je me base sur 10 ans de pratique et 20 minutes de théorie dispensées par ma femme qui en connait un rayon.
Tiens, j’entends le spécialiste qui commence à tousser…
1) Méthode ABA : Le concept
La méthode ABA se base sur un concept très basique que nous utilisons tous les jours et tout le temps : Une Action Positive entraine une Récompense.
- Si votre boss vous file une Promotion ou une Prime, c’est une Récompense pour votre bon travail.
- Si votre conjoint(e) décide, pour une fois, de faire à manger puisque vous vous êtes dévoué(e) pour faire les courses à Auchan, c’est une Récompense pour votre Ténacité.
- Si vous gagnez des pièces d’Or à Candy Crush, c’est une Récompense pour avoir passé le niveau 8753 en moins de 35 coups.
Vous avez vu, c’est tout bête, comme concept !
Certains l’appelleront l’Apprentissage par la Carotte.
Je déteste cette expression pour trois raisons :
- La Première, c’est que l’origine du terme « Apprentissage par la Carotte » est l’éducation des ânes. Votre enfant n’a rien d’un âne. Hi Han !
- La Seconde, c’est que l’Apprentissage par la Carotte est, et on l’oublie, toujours couplé à l’Apprentissage par le Bâton.
Je ne vais pas vous encourager à mettre des coups de lattes à votre rejeton, vous vous en doutez. - La Troisième, c’est que je déteste ce mépris que doivent endurer les Equus asinus (Les ânes… Moi aussi, je potasse mon langage hermétique).
Tu as l’intelligence d’un âne = T’es idiot !
Tu as l’intelligence d’un renard ou d’un singe = T’es trop fort du cortex !
Révolution ! Sus à la discrimination Anti-Âne !
Je vais donc le renommer. ABA : Apprentissage par le Plaisir.
OK, ça peut être un peu connoté pour les esprits coquins et l’acronyme ne correspond pas. J’m’en fiche, je crois que c’est le bon mot.
2) Le principe fondamental de la méthode ABA : Le Plaisir
Posons-vous cette question : Quelles sont mes sources de plaisir ?
Personnellement, je peux être survolté quand l’ASSE marque un but ou quand je mange du Galak Blanc. Ma femme trouve ça affligeant.
Elle préfère aime visiter des sites de cosmétiques, chiner sur Vinted ou faire une séance de yoga : je trouve ça affligeant et elle me prive de dessert.
Là, vous, de manière spontanée, avez-vous des exemples de petites choses qui vous procurent du plaisir ?
………..
Je vous laisse réfléchir
……….
C’est bon ? Cool !
La question qu’il faut désormais se poser est : quelles sont les petites sources de plaisir de votre rejeton(ne) ?
………..
Idem, je vous laisse réfléchir
……….
Là, vous en avez peut-être quelques-unes qui viennent… Allez je vous aide encore un peu.
Il existe quatre familles de plaisir selon un site bien connu de marketing :
a) Les physioplaisirs : Ceux qui ont rapport avec le corps. Cela concerne la nourriture, la boisson, les massages, les points de pression mais aussi la vue (regarder un dessin animé ou une roue qui tourne, etc.) : Logiquement, vous allez en trouver une palanquée et ce sont souvent ces plaisirs là qui sont faciles à mettre en œuvre au quotidien.
b) Les socioplaisirs : Ceux qui sont en rapport avec la relation à l’autre. Forcément quand on parle d’autisme, ça ne coule pas de source et pourtant il y en a plein : Aller chez papi ou mamie, rencontrer un de ses potes, vous entendre rire ou chanter une chanson particulière, etc. Réfléchissez bien, vous allez en trouver.
c) Les psychoplaisirs : Ceux qui ont trait à l’action de votre rejeton. Là, le plaisir viendra du dessin, de pouvoir jouer aux Legos, etc. Bref, qu’est-ce que votre rejeton aime faire. Vous remarquerez que j’ai mis les dessins animés plutôt dans les physioplaisirs parce qu’on est assez passif. Les jeux vidéos par contre sont dans les psychoplaisirs puisqu’on y est actif. Pensez action !
d) Les idéoplaisirs : Ceux-là renvoient plus au besoin existentiel, au questionnement intérieur ou à la méditation. Si on parle d’un enfant porteur d’autisme, c’est un peu plus compliqué à identifier ou à mettre en œuvre . Exemple : Dire à un enfant « range ta chambre, tu pourras prier ensuite », mouais, je ne suis pas sûr que beaucoup le pratiquent. Peut-être les autistes mormons, allez savoir.
Cette classification peut être imparfaite mais l’idée est de vous donner une trame de réflexion, pas de faire un cours de psychologie d’autant que je n’y connais rien.
J’avoue sans honte que je ne saurais pas dans quelle catégorie ranger certaines choses comme « lire un livre de développement personnel en mangeant des chips et en écoutant RCF » mais ce n’est pas très courant, si ?
Dans l’idéal, si vous en avez identifié une dizaine, c’est déjà un bon début.
Tiens, je vous en donne quelques-uns de Caramel, histoire d’être plus concret :
a) Ses physoplaisirs : Manger des crêmes à la vanille, des chips, des pâtes, boire du coca zéro ou de la limonade, les massages de maman, regarder des trains sur YouTube, Lire des BD de Schtroumpfs, etc.
b) Les socioplaisirs : Faire une journée spéciale shopping avec maman, hurler OUAAAAAIIIIS avec maman, chanter du Metallica avec papa, etc.
c) Les psychoplaisirs : Jouer à Minecraft, construire des trains Legos, apprendre les horaires du E. Leclerc sur Google Maps (c’est bien utile des fois), dessiner, faire des points à relier…
d) Les idéoplaisirs : Faire du yoga avec maman (oui, ça déborde dans les autres catégories, je vous l’accorde).
Réfléchissez et n’hésitez pas à écrire ceux de votre progéniture. Ce document vous sera bien utile pour expliquer concrètement comme elle/il fonctionne à des tiers (qui pourraient d’ailleurs avoir d’autres idées). Vous le modifierez de temps en temps en ajoutant/enlevant des trucs.
C’est fait ? Bravo ! Vous venez de lister ce que les spécialistes appellent des renforçateurs. Ces petits plaisirs vont vous permettre d’ouvrir de nombreuses portes. Vous verrez, vous allez être surpris(e).
3) La mise en œuvre de la méthode ABA : Trois concepts simples.
Je pense que vous voyez déjà où je vous emmène.
Une fois les renforçateurs identifiés, l’idée va donc être de récompenser une bonne action par une récompense. En soi, c’est très simple.
On pourrait plaquer une phrase toute faite comme « Si tu fais X, tu auras Y » et puis c’est tout.
« Si tu ranges ta chambre, tu pourras faire de la tablette »
« Si tu manges tes haricots, tu auras une crème vanille »
etc.
Oui, on peut faire ça mais ce n’est pas tenable au long cours. Je n’ai pas envie de filer une chips à mon fils à chaque fois qu’il fait quelque chose d’autant qu’il va prendre du poids ou de lui filer sa tablette chaque fois qu’il se brosse les dents. Pas vous ?
a) Adaptez la fréquence du renforçateur :
Une nuance importante que vous devez comprendre et qui rend le truc un poil touchy, c’est que le renforçateur n’a pas à être systématique. Il sert simplement à faire péter un blocage.
Après tout, dans la vie, on fait plein de choses et on n’est pas toujours récompensés : ça n’a en soi rien d’une performance de prendre sa douche, de se brosser les dents ou de mettre son slip sale dans le panier à linges, si ?
Et pourtant, on a tous connu à un moment le « Nannnn, ze veut pas prendre ma douche ! », « Naaaan, ze veut pas brosser mes dents !! », « Naaaan, ze veut garder le même slip Mario Bros toute ma viiiiie ! ». Ces blocages là, les renforçateurs peuvent les faire sauter. Quand c’est fait et systématisé, on range les renforçateurs au placard avec les slips Mario Bros.
Caramel a bientôt 15 ans. Je ne sors plus cette botte secrète que dans trois contextes :
- Une situation nouvelle jamais rencontrée
Par essence, les autistes n’aiment pas l’imprévu ou le changement. Changer les habitudes, c’est donc se heurter fréquemment à un blocage quasi systématique.
Les renforçateurs vont donc vous permettre de faire sauter ces digues et les déployer petit à petit dans d’autres lieux, d’autres situations, d’autres personnes, etc. - L’apprentissage pur
Le concept même de l’apprentissage est la nouveauté… Bah oui c’est nouveau puisqu’on apprend, pardi !
Dans le cadre de travail sur table, nouvelle activité etc., gardez des renforçateurs sous la main, vous allez en avoir besoin. L’idée est d’arriver à associer l’apprentissage au plaisir. Quand vous avez réussi ça, c’est l’autoroute. - Le retour d’un blocage
Les autistes régressent parfois et un acquis peut vite être remis en question.
Exemple : Soudain, votre fils ne veut plus se brosser les dents alors qu’il le faisait volontiers avant. Pas de panique, vous ressortez des renforçateurs (ils sont dans l’armoire avec les slips Mario Bros) et ça va repartir.
b) La méthode ABA en mode furtif :
Une seconde nuance importante, c’est que c’est une bêtise de rendre le renforçateur trop… disons visible. Je vous explique ça.
Reprenons mon exemple : « Si tu manges tes haricots, tu auras une crème vanille ».
Là, le renforçateur est super visible et c’est en fait plus un échange qui peut se transformer en prise d’otage qu’un renforçateur.
Si vous le faites à chaque fois, un jour, vous n’aurez pas fait les courses et il ne voudra pas manger ses haricots. OUPS ! Vous n’aurez plus de crème vanille comme monnaie d’échange.
BOUM ! Vous êtes mort(e) ☠️, GAME OVER ! Il va péter un câble puisque dans son esprit : haricot = crème vanille.
C’est pour ça qu’il faut un peu de pratique. Parfois, vous vous tromperez, ce n’est pas bien grave.
Petit à petit, vous prendrez de la hauteur. Exemple.
Le « Mange tes haricots, tu auras une crème vanille » va ensuite devenir « Mange tes légumes après tu auras un bon dessert ».
A terme, « A table ! » et votre rejeton va arriver en courant et tout manger sans rechigner en attendant impatiemment le dessert.
Les érudits que nous sommes penseront peut-être au concept de Pavlov mais votre enfant n’est pas plus un chien qu’un âne.
Certains psychologues m’ont dit que l’ABA était bien pour les jeunes enfants mais qu’en grandissant, on en touchait les limites : ils ont raison puisqu’à terme l’idée est de ne plus avoir besoin de trop de renforçateurs. On s’en sert donc beaucoup quand ils sont jeunes puisqu’il faut tout apprendre (la propreté, l’autonomie, etc.) et de manière plus épisodique ensuite puisque certaines tâches sont devenues automatiques.
c) Dosez vos renforçateurs :
Je ne vous apprends pas qu’une demi-chips, une histoire du soir ou une nouvelle PS5 à 400 balles, n’ont pas exactement le même impact en terme de plaisir ou de coût. Pourtant, les trois peuvent être des renforçateurs.
Mon conseil, c’est donc de ne pas tomber dans le piège des cadeaux. L’idée, c’est plutôt d’appuyer sur des instants de plaisir et pas forcément sur du matériel.
Dans l’idéal, vous pouvez avoir de gros renforçateurs pour de grosses actions mais privilégiez plutôt les petites choses pas trop contraignantes pour vous : vous gagnerez en agilité et pourrez dégainer plus facilement quand vous en aurez besoin.
Lucky Luke a un petit 6 coups et tire en une fraction de seconde, pas une ogive nucléaire qui met 3 heures à arriver. 😊
Comment ça mon exemple est tout pourri ?
Pour finir :
En pratiquant cette « discipline », je me suis rendu compte que cette méthode était très utile également pour des enfants neurotypiques et évitait d’avoir recours à la punition ou à la menace de punition. Pensez-y, vous avez tout à y gagner.
On surmonte des blocages sans s’en rendre compte quand on a pris l’habitude.
Serait-ce un changement de mindset ?
Zut ! Je fais du développement personnel, ça y est ! 🤣
N’empêche, je partage avec vous un petit constat :
En maternelle, on gagnait des images en cas de bonne action à mon époque. Vous avez connu ça ? C’était un super renforçateur.
Puis au fil des ans, le concept de notes sur 20 s’est déployé et on nous a fait craindre la sanction avec le « si t’as pas plus de 10, tu échoues/redoubles ».
Ce truc a un nom : L’Apprentissage par le Bâton.
Quel est le plus constructif à votre avis ? Chercher le Plaisir ou Craindre la Sanction ?
Si vous préférez chercher le plaisir, la méthode ABA est faite pour vous.
A très vite !
Duck